Une expédition dans la jungle hawaiienne... |
Journée excitante d'aventure et de découvertes... On avait planifié une randonnée de 4 heures dans la vallée Pololu, située au Nord de l'île, à environ 1/2 heure de voiture de Waimea. Il y a avait des employés du CFHT, des amis d'amis, des nouveaux débarqués et des habitués de la place. Ça faisait une petite douzaines de gens très sympas qui allaient prendre une marche de bonne santé.
On m'avait dit 4 heures (ça ne sera pas 4 heures, autant vous le dire tout de suite); je pensais qu'on allait gambader sur des sentiers relativement plats, sécuritairement larges, et bien entretenus. On m'avait bien dit qu'il faudrait à un moment passer dans une cascade pour pouvoir continuer notre périple, mais ce n'était pas énervant du tout.
Nous avons stationné nos véhicules près de la vallée, avec ses parois immenses et escarpées, couvertes de verdure. On était assez haut sur une falaise, près de l'océan. La journée s'annonçait agréable.
Le chef de file a pris la tête, et nous a fait tourner en rond et rebrousser notre chemin à 2 ou 3 reprises, prétextant qu'il fallait nous réchauffer. Ouais. Ça augure bien pour la suite...
Le début du périple s'est fait à travers des pâturages où des vaches cornues nous ont regardé passer avec leur air bovin que l'on retrouve partout sur notre petite planète. Herbe basse, quelques petits arbres et bosquets, tiens, et ça, qu'est-ce que c'est? On dirait un os... c'est un os... un crâne de vache... ah bon, le restant de la vache, il est là bas, en train de se décomposer... Une malheureuse victime de je ne sais quelle mésaventure. En espérant que ce n'était pas une petite marche de 4 heures dans la vallée Pololu...
Un peu plus loin, cette fois-ci, le squelette d'un sanglier. Macabre, tout ça... C'est quoi après, un squelette de randonneur?!? Ces cochons sauvages (les sangliers, pas les randonneurs - je sais, ma phrase est mal faite) habitent l'île et peuvent être dangereux, mais on les dit également peureux. Moi aussi.
Chaud. Et ça grimpe. Le chef de notre file est un très bon marcheur et nous devance, loin devant, alors que les muscles de mes cuisses protestent déjà en montant les collines qui vont nous donner accès à la vallée. Pause eau. Pause retrouvons notre souffle. Pause admirons le paysage: collines, la mer au loin, le chaud soleil. Et on continue.
Pluviotte. Ça fait du bien, ça rafraîchit. On s'engage finalement sur le sentier qui parcourt la vallée. Pas très large, le sentier; on n'y passe qu'un à la fois. A droite, on frôle la falaise de la vallée, mur droit qui monte de plus de 50 mètres; à gauche, on frôle la mort, sous la forme d'un précipice, lui aussi très droit et qui tombe de 50 mètres ou plus...
Pluie assez forte. C'est un peu plus embêtant, surtout que la majorité n'a pas prévu d'imper; on est tous mouillés. Mais à la guerre comme à la guerre!
A mesure qu'on remonte la vallée, en s'éloignant de l'océan, on s'enfonce dans une jungle tropicale verdoyante; il y a des arbres partout; on voit à peine le ciel; la falaise qui borde le sentier à notre droite est couverte de feuilles, de fougères, de lierres. De petites cascades y descendent aussi, partant de très loin en haut, mouillant un peu notre chemin, et continuant jusque très bas. Chaque cascade, petit filet d'eau rebondissante, aurait mérité une pause méditation et une photo, mais il y en avait tellement qu'on ne pouvait se le permettre.
C'est relativement calme, on entend peu d'oiseaux. Rien à voir avec les jungles où une cacophonie de singes, d'oiseaux et autres bêtes envahit le paysage sonore. Par contre, quelques hélicoptères ratissent la vallée pour le bénéfice de leurs passagers, qui ont décidé de payer le prix fort pour voir confortablement et sans effort quelque paysage sauvage de l'île.
On rencontre parfois quelques obstacles sur notre chemin: arbres tombés, ébouli, crevasse. Il faut enjamber les arbres (à dada sur mon baudet, quand il trotte il fait des... a-hem... ma grand-mère me la chantait quand j'étais jeune...) en veillant à ne pas glisser en direction du précipice. Il faut traverser les éboulis, sur des petites roches roulantes qui roulent en direction du précipice, bien évidemment. Il faut enjamber les petites crevasses, et ne pas tomber dedans... On s'accroche aux branches, aux arbres, à la végétation; on y va doucement et on ne pousse pas celui qui lambine en avant de nous.
Quand on entendait une roche dévaler la pente et tomber dans le précipice, quelqu'un criait invariablement: "c'était qui?"...
De temps en temps, je m'arrêtais, faute d'entraînement adéquat pour suivre les Speedy Gonzales de la tête. Un chien nous accompagnait, et fermait souvent la file avec moi. Pauvre chien... Il a fallu lui faire comprendre comment passer entre 2 troncs d'arbres tombés en travers du chemin; il attendait qu'on le prenne dans nos bras pour lui faire franchir l'obstacle...
Quelques trouées dans les arbres nous ont offert des vues imprenables du fond de la vallée, avec sa petite rivière qui se jette dans la mer. Ça paraissait très loin, et pourtant, on allait un jour y arriver (dans 4 heures, qu'ils disaient...)
Finalement, on est arrivé à LA cascade qui tombe en plein milieu du sentier. Shower time! Elle n'est pas très large, un mètre ou deux, mais pas moyen de rester sec. Alors autant en profiter pour se rafraîchir. Spectacle impressionnant quand on arrive et qu'on voit nos compagnons sous l'eau, filet blanc qui se jette de tout en haut jusque dans le fond de la vallée. Des cascades aussi hautes de que celles qu'on a vues, il n'y en a pas beaucoup dans les paysages habituels.
La cascade est un endroit où la majorité des randonneurs rebroussent chemin, ce qui implique que la suite du sentier, envahie d'herbes qui nous fouettent les jambes, est un peu plus difficile.
Parmi ces pousses envahissantes, il y a des framboisiers; beaux fruits rouges et gros, avec des grains beaucoup plus petits que ceux qu'on voit sur les framboises des supermarchés. Pas beaucoup de saveur non plus, mais c'est plaisant de savoir que si on se perd, on peut se nourrir de fruits...
Autres fruits aussi: des goyaves! Le sentier était parfois jonché de ces fruits, que nos pas écrasaient, libérant une odeur tout à fait suave, qui me rappelait l'orange et le citron. Ce parfum sucré excitait mon estomac, et après avoir vu un habitué prendre un fruit et y croquer sans hésiter, je me suis essayée... C'est un fruit gros comme un petit citron; il est d'ailleurs jaune, et sa peau a la texture d'un agrume. Sous la peau, une chair pâle et ferme; au centre du fruit, une chair rosée cache des petites graines. J'ai goûté un peu de tout, la peau, la chair pâle, les graines. Mais mon fruit n'était pas tout à fait assez mûr, et le goût est devenu amer.
Après environ 2 heures de marche (ce que je pensais être la moitié du trajet), pause manger-manger-miam-miam! Après avoir grosso modo suivi la crête de la vallée en s'éloignant de la mer, on est redescendu un peu vers le fond, et nous allons continuer sur la crête opposée. On s'est arrêté au soleil, au mileu d'un petit ruisseau, en espérant que le petit vent allait chasser les maringouins qui nous bouffaient joyeusement depuis quelques heures. Le pauvre chien qui haletait en se demandant pourquoi il devait nous suivre s'est "effouéré" dans une flaque d'eau, content de reposer ses pattes et de se baigner dans de l'eau fraîche. Comme dessert, une habituée de l'île nous fait goûter à des mini-goyaves, grosses comme des cerises, rouges, sucrées et absolument succulentes.
Puis, on repart dans la jungle surchauffée et humide, attaqués de toute part par les maringouins, traversant vaillamment des bosquets d'herbes griffues et espérant que nos muscles tremblants de fatigue accumulée pourront nous porter encore quelques pas... (ça s'appelle de l'exagération lyrique)
Mais c'est vrai qu'il faisait chaud. J'avais une casquette pour me protéger du soleil, mais ça surchauffait là-dessous. Rien ne me fatigait autant que cette chaleur qu'on ne peut évacuer et qui fait cuire lentement le cerveau. J'avais 50 piqûres de moutisques, j'avais des égratignures sur les jambes, des traces de terre et de boue témoignaient de quelques pirouettes maladroites, mais rien de tout cela n'avait d'importance... c'est ma tête que j'aurais voulu mettre sous une cascade glacée, pour m'éclaircir les idées et me ravigoter un peu.
Petite pause dans un cul-de-sac qui longe un canal d'irrigation. Plusieurs de ces canaux, larges d'environ 1 mètre, parcourent l'île et servent parfois de moyen de transport à quelques téméraires qui savent où sauter dans l'eau et où en ressortir. On peut également utiliser des kayaks dans ces canaux, mais ça sera pour une autre fois.
Au fond du cul-de-sac, on découvre des rosiers sauvages et des Ginger Flowers que les dames s'empressent de cueillir pour s'en orner les cheveux. Il y a également un drôle d'arbre dont les fruits poussent par grappe directement sur le tronc. Je suis encore sur Terre, mais parfois, j'ai de la difficulté à y croire tant les paysages et la Nature peuvent être étranges.
Depuis quelques temps, nos chaussures commencent à nous faire mal. A force d'essayer d'éviter le précipice qui est à notre gauche, on finit par attrapper des ampoules au pied gauche. Il fait chaud, un vrai sauna; c'est humide, c'est pénible. Mais on remonte alors jusqu'au sommet de la crête pour aller de l'autre côté, vers une autre vallée. De ce côté, c'est nettement plus agréable, moins humide, plus frais. La végétation me semble également moins tropicale; certains coins me font penser aux sous-bois du Québec.
On découvre sur le sentier des restants de murs construits il y a des siècles par les habitants de l'île. On me dit que la vallée que nous explorons a déja compté 200 000 habitants! La population présente de toute l'île est de 200 000! Il est difficile d'imaginer transférer toute la population actuelle dans cette seule vallée...
Les pauses deviennent de plus en plus fréquentes. Les muscles tiennents le coup; il n'y a pas de montée exigeante comme au début. On est seulement fatigué.
On revient lentement vers l'océan. Difficile d'imaginer tout le chemin parcouru. Difficile aussi de savoir où on est et dans quelle direction on s'en va. Heureusement que le sentier est assez bien délimité et que quelques-uns d'entre nous ont déjà effectué cette petite marche de santé. Un peu avant d'arriver à l'océan et d'entamer la descente de la crête jusqu'à la mer, est surpris au détour du chemin par une vue de la vallée adjacente à Pololu mais sembable: pentes escarpées, végétation touffue, relief très accidenté. J'ai peine à croire qu'on a pu se frayer un chemin là-dedans et se promener sur les pentes abruptes. Et pourtant, il y a bel et bien un petit sentier étroit qui parcourt patiemment ce paysage escarpé.
Ça fait nettement plus de 4 heures qu'on marche (au total, la petite randonnée aura pris 7 heures...). On commence à avoir hâte d'être rendu à la fin du voyage. Mal aux pieds, il faut marcher délicatement, par peur de se retrouver avec des ampoules percées. Le sentier devient très mauvais; il est encaissé dans ce qui ressemble à un profond ruisseau asséché, sauf que c'est très boueux et glissant. On marche dans un fossé, quoi. Vivement la fin, ça commence à urger.
Soudainement, le paysage change. Ce n'est plus de la terre, mais du sable noir... Il y a moins d'arbres; le sol est recouvert de plantes basses. Et on arrive... on arrive à...
Une plage de sable noir magnifique, avec de gigantesques vagues qui déferlent sur le sable noir. Il faut presque se retenir pour ne pas courir se jeter dans l'eau fraîche (bobo les pieds). On est finalement arrivé à l'océan, au fond de la vallée!
Grosse trempette dans les vagues puissantes. Nos pieds rient de joie au contact de cette eau délicieuse. On peut enfin effacer quelques traces de boue et chasser cette sueur collante qui nous cuisait sur la peau. Ciel bleu, vagues blanches, sable noir. Cocotiers, petite rivière, de l'espace entre les arbres. Après ce relatif enfer, c'est le paradis.
Quelques pêcheurs ont lancé leurs lignes. Des chanceux ont planté leur tente pour vivre quelques jours en Eden.
La fin du périple fut une des parties les plus pénibles, car il fallait remonter jusqu'en haut de la crête pour arriver au stationnement (plus de 100 mètres, la montée). Là, ça faisait mal aux muscles. Mais la vue en valait la peine. En remontant, on voyait la plage, puis en arrière, on pouvait apercevoir les autres vallées, et des cascades qui se jettent dans l'océan... Des paysages de carte postale... des paysages qu'on voit dans les livres qui racontent les expéditions au bout du monde d'explorateurs téméraires... des paysages qu'on croirait cachés et inaccessibles au commun des mortels... et pourtant, il ne nous a suffi que d'une petite marche de 7 heures...
Mouillés, sales, puants et suants, on s'est retrouvé dans le village de Hawi pour un petit snack. Mais ce que je voulais, c'était une douche savonneuse, un petit massage à la débarbouillette, et mon lit!
Extraordinaire aventure. A refaire.