Les aventures d'une Québecoise à Hawaii
Semaine de la conférence ADASS IX




Samedi 2 octobre 1999

On part pour préparer au Hilton du Waikoloa Village la conférence ADASS IX, Astronomical Data Analysis Software and Systems. Une conférence pour des informaticiens surtout, oeuvrant en astronomie. On ne sait pas trop pourquoi, mais pour cette conférence-ci, dans une hôtel superbe et luxueux d'Hawaii, on a battu tous les records de participation par rapport aux années précédentes.

On laisse derrière Waimea et son climat frais pour arriver dans la fournaise des plages côté sec. Il doit bien faire 35 degrés... à l'ombre...

Le choc est le même en entrant dans le Hall principal: tapis épais aux riches motifs, une statue de dauphins sautant hors de l'eau, fauteuils confortables, fleurs presque trop parfaites. On laisse passer le train qui fait des va-et-viens d'un bout à l'autre du complexe hôtelier de 3 tours, et on utilise un pont qui enjambe le canal et ses bateaux qui eux aussi font la navette entre les diverses stations de l'hôtel. Il peut paraître ridicule d'utiliser ces fantaisies alors qu'une marche rapide de 10 ou 15 minutes suffit pour parcourir tout le trajet, mais avec des baggages pleins les bras, ou avec une dure journée de plage - euh - de travail dans le corps, ou trop de mai tai dans le nez, on est content de se faire porter à destination par des employés déguisés en capitaine de bateau, un sourire plastique au milieu du visage et serviables à en être dégoulinants.

Petit après-midi à vérifier l'installation des panneaux qui serviront à afficher les posters des participants, à identifier l'espace pour chaque poster par un numéro, à placer des images astronomiques prises avec la caméra grand champ du CFHT. Ah oui, et à placer 16 petits morceaux de Velcro sur les 60 espaces disponibles pour les dits posters. Près de 1000 petits morceaux qui sont bien sûr tous accrochés les uns aux autres et qu'il faut patiemment démêler.

D'autres sont occupés à installer près de 40 ordinateurs reliés entre eux et à Internet et à placer du matériel.

En fin d'après-midi, on est allé s'installer dans nos chambres respectives. Et on se rend compte que ces chambres, à environ 200 ou 300$ la nuit, sont plûtot ordinaires, et qu'en fait, on paie pour le train, les bateaux, les dauphins, le lagon, les flamants roses, les jardins, et les 5 millions de dollars d'objets d'art que l'on peut admirer en marchant d'une tour à l'autre. Très petite salle de bain, avec un bain et un bol de toilette, c'est tout, parce qu'il n'y a pas asez de place pour autre chose. Grand comptoir, avec grands miroirs et lavabo. On fournit le séchoir à cheveux, d'épaisses serviettes blanches immaculées, le fer et la planche à repasser, la cafetière (avec des sachets de café à 2$), un coffre-fort, un mini-bar rempli de sodas et boissons alcoolisées, et de palettes de chocolat à près de 4$ l'unité.

Grand lit, réveil-matin, téléphone (1$ par appel local), table, sofa, revues, balcon avec chaises et table. Rien de très luxueux qu'on serait presque gêné de toucher ou d'utiliser. Et pour signifier qu'on ne veut pas être dérangé, on accroche un lei de petits coquillages à la poignée de notre porte...

Cependant, quand je sors de ma chambre, j'ai une vue superbe sur un petit étang où des cygnes blancs et noirs flottent au-dessus de gros poissons chinois (les espèces de gros poissons rouges, mais qui sont aussi blancs et noirs... comment vous appelez ça, vous?). Grands arbres, petites chutes, statues de bronze, et la terasse d'un restaurant.

Très bon resto chinois pour souper, et un petit pinacolada pour terminer la soirée en beauté, sur une terasse qui surplombe une piscine sortie tout droit de la jungle, avec des chutes d'eau et un pont de lianes. Musique d'ambiance, vent chaud, ciel étoilé.



Dimanche 3 octobre

Lever paresseux à 8 heures, avec l'intention de profiter de la journée et des activités de l'hôtel. J'ai donc pris tout mon temps pour parcourir à pied le corridor muséologique du complexe.

Peintures provenant d'Europe, illustrant des cavaliers, scènes de chasse ou de course, bateaux...

Lei et éventails de plumes fabriqués selon les traditions hawaiiennes. Les couleurs sont tout à fait naturelles, et aucune teinture n'est utilisée pour obtenir les blancs purs, bleus azur, turquoise, beige, brun, ocre, et reflets dorés. Chaque lei demande 70 heures de travail patient, où les plumes sont assemblées de telle façon que seules les extrémités soient visibles. Jadis, les Hawaiiens enduisaient d'une substance collante les troncs des arbres et attendaient que des oiseaux multicolores s'y prennent. Puis, délicatement, ils arrachaient quelques belles plumes avant de relâcher l'oiseau. On peut également faire des capes de plumes, qui traînent jusqu'à terre.

Porcelaine chinoise d'exportation datant du siècle dernier, et arborant, pour les clients européens, le blaison britannique, l'aigle américain, ou les deux aigles autrichiens.

Marionnettes à fils provenant de la Birmanie du 17e siècle. Ces marionnettes pouvant avoir jusqu'à 20 fils trouvaient parfois leur utilité pour représenter des scènes très (trop) romantiques que des acteurs n'auraient osé jouer... Au commencement d'un spectacle apparaissent des animaux, un sorcier volant et quelques personnages mytiques, représentants l'Univers à son début.

Grands panneaux de laque, noirs et dorés, représentant la vie de Bouddha, que l'on retrouve également sous forme de statues, provenant de Thailande, entre autres. D'autres statues de pierre ou de bronze représentent des démons plutôt effrayants, des lions agressifs et des soldats combattifs qui encadraient l'entrée des temples thailandais ou des maisons de Bali pour les protéger d'esprits malfaisants.

Poupées japonaises, délicates et fragiles, représentant des samourais, geishas, soldats et riches marchands.

Après cette section asiatique, la 2e moitié du musée est consacrée à la polynésie, et à la Nouvelle-Guinée surtout.

Masques grimaçant, faits de terre, de cornes d'animaux et de toiles d'araignée (utilité qui m'avait échappée...).

Table d'orateur accompagnée d'un spirit board, une représentation d'un esprit qui foudroie ceux qui mentent dans leurs discours... Il reste encore à inventer la version moderne...

Tambours scupltés dans des troncs d'arbres. Tambours plus petits, qui ressemblent à des sabliers, et utilisent des peaux d'animaux sur lesquelles des boulettes de résine sont collées pour modifier le son produit.

Boucliers de guerre, faits de bois ou de peaux, sculptés et peinturés pour représenter un clan ou une famille en particulier.

Vêtements et couvre-lits faits de l'écorce déroulée d'un certain arbre.

Tant de richesses extraordinaires... Ça explique en partie le coût des chambres, comme je disais...

Petit lunch simple mais à prix exorbitant. Et une volée de moineaux intrépides qui attendaient les miettes. Je suis partie avant que ça ressemble aux Oiseaux d'Hichcock.

J'ai ensuite fait le tour de l'hôtel en longeant la mer. Piscines, jaccuzis, pont de lianes, chutes d'eau, glissades d'eau, lagon, palmiers, statues, fleurs... Et une petite heure de baignade dans le lagon artificiel, au soleil, au paradis...

Je me suis informée au kiosque de l'ADASS du déroulement de la première visite au sommet du Mauna Kea, qui avait eu lieu cette journée. Pas de problème majeur; seulement 2 participants ont demandé à redescendre, ne se sentant pas très bien.

Mais je me dois de raconter une histoire abracadabrante dont je tairai le nom du héro. Le dit héro voulait visiter le sommet comme tous les autres, mais avec sa famille. Cependant, il refusait catégoriquement de donner l'âge de ses enfants, sachant très bien que l'accès au sommet est interdit aux moins de 16 ans. Prétextant qu'on est dans un pays libre et qu'il peut faire ce qu'il veut, il a piqué une crise et essayé de faire monter son plus jeune fils dans un des véhicules qui faisaient la navette entre Hale Poaku (accessible à tout le monde) et le sommet. Les organisateurs ont été fermes et refusé poliment que le garçon, d'une douzaine d'années, n'ait accès au sommet.

Et ils ont eu raison, car en redescendant de Hale Poaku pour retourner à l'hôtel, le jeune, qui était resté à l'altitude intermédaire, a été malade 4 fois... que se serait-il passé s'il était effectivement monté au sommet? Les organisateurs auraient probablement apprécié un petit "vous aviez raison" piteux, mais au contraire, le héro a expliqué à une tierce personne que son gamin avait été malade justement parce qu'on l'avait empêché de monter au sommet (le stress, la frustration, la déception). Entêté jusqu'au bout.

Réception à 18h, près de la lagune. Verre de vin gratuit. Et quelques pupus (hors d'oeuvre) dont se sont empiffré les premiers arrivés, ce qui fait que les derniers n'ont rien eu à manger. Nadine à jeûn avec un verre de vin est très joyeuse. La joyeuseté s'est poursuivie au resto jusque vers 22h.



Lundi 4 octobre

Oulala. Reveillée à 4h par une cacophonie ahurissante: des centaines d'oiseaux très bavards s'installent aux aurores dans les jolis arbres qui entourent l'étang qui est juste de l'autre côté de ma porte de chambre. Une conversation à l'extérieur des chambres doit être impossible. Sans parler d'essayer de dormir...

Oulalalalala, lever à 5h45, déjeuner rapido dans la chambres avec quelques provisions personnelles, et au boulot à 7h, pour aider les participants à installer leurs posters. Les panneaux étaient recouverts d'un tissu doux sur lequel des morceaux mâles de Velcro (avec les petits crochets) tiennent très bien. Mais pas les morceaux femelles de Velcro, bien sûr. Bien sûr. Sauf que plusieurs participants utilisaient les 2 parties de Velcro, la mâle et la femelle, pour accrocher leurs posters. Par pure paresse, on avait décidé de laisser sur les quelque 2500 morceaux de Velcro les 2 parties, mâle et femelle, pensant que ces petits génies de l'informatique allaient comprendre tout de suite l'astuce. En voyant quelques posters s'écrouler, on a vite compris que les informaticiens sont excellents pour le software, mais pas pour le hardware...

J'ai assité à très peu de présentations orales pendant les 3 jours de la conférence. Lorsque les participants débarassaient le plancher de la salle des posters pour assiter aux oraux, on en profitait pour ramasser un peu le bordel qu'ils avaient laissé derrière eux. Ensuite, il y avait quelques détails techniques à régler en coulisse. Et finalement, les sujets m'intéressaient plus ou moins. Moins que plus.

On a mangé comme des cochons pendant trois jours. Pause-café de pâtisseries à volonté vers 10h, avec muffins, gâteaux, brownies, chaussons, jus de fruits et café. Lunch dans un des petits snacks de l'hôtel. Re-pause-café en après-midi avec des biscuits cochons aux brisures de chocolat, muffins, galettes... Et souper, et souvent un p'tit mai tai, pinacolada ou smoothie (glace et/ou lait et/ou yogourt et/ou crème glacée et fruits et alcool) pour faire passer tout ça.



Mardi 5 octobre

Dur dur de se lever à 6h...

Moi qui pensait les scientifiques et chercheurs en général honnêtes et raisonables, j'ai eu une drôle surprise en avant-midi... Un participant sur lequel j'avais essayé la technique "paralysie par la gentillesse" lors d'un échange de boulets de canons par courrier électronique a fait un coup de cochon et outrepassé ses droits. Je m'explique. Le dit Monsieur, que je ne nommerai pas mais que j'appellerai Grincheux (et ça ressemble à son nom, en plus...), avait un poster lundi, hier. Il avait mis son poster hier. Comme il était prévu. Et il l'avait ôté en fin de journée, comme prévu, puisque chaque poster ne peut être affiché qu'une seule journée.

Mais voilà-t-y-pas qu'en déambulant dans les allées, je repère un poster très joli et très bien fait que j'avais justement remarqué... hier... hier??? Mais qu'est-ce que ce poster fait là? Je vérifie et re-vérifie le programme avant de partir en orbite, mais pas de doute: Grincheux avait repéré un espace libre laissé par un absent et y avait illégalement mis son poster de la veille! Oulala la Madame était pas contente! Décroché, le poster, et ça a pas pris de temps, et j'ai pas demandé la permission à son proprio! Non mais, quel effronté! Justice fut faite. Le poster fut dissimulé sous une table, avec les autres posters de la veille non réclamés par leur auteur. Mais voir la suite après le lunch...

Pour ne pas trop changer les habitudes prises au CFHT... un meeting sur l'heure du lunch! Entre éditeurs des comptes-rendus des conférences ADASS, on a parlé de pas grand chose et de plusieurs choses, de trucs et de machins plus ou moins intéressants. Surtout qu'on n'a pas vraiment voté ou pris de résolution ferme, alors tout ça sera à recommencer...

Retour à la salle de poster pour une petite ronde de surveillance... Mais j'hallucine! C'est pas vrai! Il a REMIS son poster! Le poster que j'avais ôté est revenu tout seul! Grincheux est allé le chercher sous la table et l'a remis! Furax, j'étais furax! Les règlements étaient pourtant clairs, et c'est les mêmes règlements pour toutes les conférences sur cette planète. D'où il sort, cet extra-terrestre?

J'ai un tête de cochon, quand je veux. Et surtout quand j'ai le droit. Alors, le poster... encore une fois ôté, et caché sous la table. Et cette fois-ci, je suis restée pour surveiller Grincheux lors de son retour.

Retour de Grincheux. Surprise, il ne voit pas son poster. Regarde à droite et à gauche. Se rend vers la table où sont les posters non-réclamés. Soulève discrètement la nappe pour repérer son joli poster. Ne le trouve pas (même s'il est bel et bien là). Retourne aux autres posters, discuter avec les participants. J'attends encore quelques minutes pour voir ce qu'il va faire. Il a abandonné la partie.

Question de décompresser un peu, je retourne au kiosque de l'ADASS pour discuter avec les secrétaires. Elles m'apprennent qu'un peu plus tôt, le collaborateur de Grincheux (qui est co-auteur sur le poster que j'ai ôté 2 fois) est venu s'informer pourquoi son poster avait été ôté. On lui a répondu d'aller voir les responsables des posters, moi et un autre astronome. Et j'étais là dans la salle, mais personne n'est jamais venu me voir pour s'informer du poster magique qui disparaît quand les auteurs ont le dos tourné et réapparaît quand les responsables des posters s'empiffrent de pâtisseries... euh... ont le dos tourné.

C'est la preuve par 9 qu'il savait que son poster ne devait pas être là. Et on a tenu notre bout, et le poster est resté sous la table, et pas de passe-droit pour personne.

Peu après, photo de groupe de tous les participants de la conférence. Un lei autour du cou, on s'est rassemble près de la lagune pour immortaliser sur pellicule notre présence à l'ADASS. Deux hurluberlus sont arrivés déguisés, avec un pagne pour le monsieurr et un bikini à fleurs et un paréo pour la madame, et avec des leis sur la tête, au cou, et aux poignets. Deux autres Hubert Lulu sont restés habillés normalement mais ont ajouté un masque et un tuba. Et un petit comique s'est arrangé pour louer un pédalo et se retrouver à l'arrière-plan de la photo, dans la lagune, sur son engin à pédales... C'est à voir: la photo est sur la page Web de la conférence... cherchez Nadine...

Tout ce beau monde s'est retrouvé plus tard au restaurant qui borde la lagune, pour le banquet de la conférence. Grande salle avec fenêtres qui donnent sur la lagune (mais à cette heure-là, 19h, il n'y a plus rien à voir vu que le soleil est couché), bar, leis un peu partout, serveurs prêts à nous offrir du vin ou des mai tais. L'excellent buffet a surpris plusieurs habitués des conférences ADASS, qui s'attendaient à de la nourriture de cafétéria plutôt fade et ordinaire. Mais tout le monde a fait un effort suprême pour goûter à tout ce qui était offert: quelques entrées, des salades accompagnées de diverses vinaigrettes, fruits exotiques (cantaloups, papayes, ananas... que les Hawaiiens ont l'habitude de manger avec le repas principal), légumes et viandes, dont un porc luau cuit à la Hawaiienne. Le délicieux cochon nous attendait sur une table, (au complet avec la tête, la queue et les pattes...) cuit à point, chair délicate effilochée et juteuse. Un vrai régal! Régal aussi plus tard, avec les nombreux desserts, gâteaux et tartes.

Pour couronner le tout, on a eu droit à un spectacle de hula traditionnelle, pas la danse tape-à-l'oeil généralement offerte aux touristes. Un "maître de cérémonie" est arrivé sur la scène, chantant sur quelques notes ou plutôt récitant un texte en hawaiien, s'accompagnant d'un tambour. Le suivaient deux wahines dans leur robes rouges tombant aux genoux, épaules et pieds dénudées, leis de feuilles vertes posés sur leur chevelure, et deux kanes, eux aussi arborant des leis, habillés d'un pagne qui tombait sur le devant et de deux pièces de tissu bouffant qui reposaient sur leurs hanches.

Les quatre danseurs et leur conteur nous ont probablement raconté quelque histoire fantastique, en mimant le soleil qui se lève, la pluie qui tombe, la mer houleuse ou des fleurs offertes aux divinités. Ces danses ayant une certaine signification religieuse, les protagonistes ne montraient aucune émotion, leur visage restant de glace, détaché et sans sourire. Mais dans les gestes souples et amples, gracieux et posés, on devinait une belle histoire, et lorsque le rythme s'accélérait, les gestes devenaient plus brusques et les pieds frappaient énergiquement le sol, on devinait un certain revirement de situation...

Bien sûr, même si cette hula est plus "sérieuse" que les danses habituellement présentées aux touristes, les balancements gracieux des hanches en font partie intégrante... Gauche, droite, gauche... un doux balancement qui doit demander beaucoup de souplesse et de contrôle. Beaucoup de force aussi, car les danseurs ont presque toujours (ou toujours?) les genoux légèrement pliés, ouvrant et fermant les jambes pour accompagner les gestes de leurs bras. Et même les hanches des kanes ondulaient aussi gracieusement que celles des wahines... John Travolta peut aller se rhabiller, je préfère, et de loin, la sensualité des Hawaiiens à la rudesse du disco...

Ce fut un peu court de l'avis de plusieurs, mais la qualité était là, et l'assitance est restée captivée et hypnotisée jusqu'à la toute fin. Je ne pense pas que quelqu'un ait été déçu du spectacle...

Comme il y avait quelques représentant du Comité Local d'Organisation à notre table, certains savaient où aller chercher les billets donnant droit à une consommation gratuite. Et comme de raison, et comme d'habitude, c'est la gagne de québecois qui faisait le plus de bruit à la fin de la soirée... On sait s'amuser, et on n'est pas gêné de s'amuser. Le Aloha Spirit nous va très bien...



Mercredi 6 octobre

Cette fois-ci, les oiseaux ne m'ont pas pas reveillée aux aurores. Je dormais trop dur... Mais le réveil fut tout aussi pénible. La journée a ressemblé aux journées précédentes: sessions orales, sessions de posters, pause-café gargantuesque, petit lunch (à prix exorbitant) près de l'étang à dauphins.

L'hôtel a en effet plusieurs dauphins, près d'une dizaine, qui batifolent pour le plus grand plaisir des touristes dans des étangs (pas très grands, à mon humble avis) aménagés pour eux. Ces étangs sont alimentés par l'eau du lagon et abritent également quelques petits poissons qui arrivent à passer à travers le grillage qui sépare les étangs de l'océan...

Les dauphins participent également à des séances où quelques adultes et enfants peuvent nager et entrer en contact avec eux. Les heureux élus sont déterminés par tirage au sort, mais ce n'est pas gratuit, bien sûr. C'est une activité très originale et très en demande; qui ne rêve pas de nager quelques instants avec des dauphins? L'expérience a l'air agréable et unique.

Petit (gros) bémol... Quelques jours plus tard, en lisant le journal, j'ai lu qu'un des dauphins était décédé le lundi, pendant la conférence ADASS... Rien n'a paru dans les activités de l'hôtel... Pas un mot...

Dernière journée de conférence, on a fêté ça entre membres du comité local d'organisation, sur une petite terrasse, près du canal. Sushis, tacos, pizza; mai tai et smoothies. Et surtout une atmosphère du tonnerre, vu le succès incontestable de la conférence: parfait contrôle sur les inscriptions (près de 300 personnes), salles bien aménagées, support technique impeccable pour les sessions orales et les posters, programme suivi à la letre, hôtel paradisiaque... Tout ça grâce à une bonne douzaine de personnes dévouées.

En fait, la conférence n'était pas encore tout à fait terminée pour certains, car il restait la visite au sommet du Mauna Kea jeudi...



Jeudi 7 octobre

Au lieu de me lever à 6h, j'ai pu me lever à 6h30, quel gros luxe! Déjeûner sur les chapeaux de roue, tours de passe-passe pour tout remettre dans mes valises, et en route pour Waimea, où un collègue nous attendait pour monter au sommet avec un véhicule du CFHT.

Waimea, 8h30, pas de véhicule du CFHT pour monter à Hale Poaku! Les seuls véhicules non requis pour transporter les participants à la visite de l'observatoire étaient soit utilisés ailleurs, soit brisés (panne de transmission)... Problème. Il a fallu que je prenne ma belle voiture toute neuve à peine rodée...! Pas évident... Ça monte, ça grimpe, ça tourne et ça vire. On veut aller raisonnablement vite, mais le moteur gronde subitement quand on lui en demande trop. Et en plus, on avait l'autobus plein de participants devant nous alors qu'il fallait arriver avant eux! On a pu le dépasser dans un des très rares bouts droits de la route, avant d'attaquer la montée du Mauna Kea... Encore moins évident. Pour bien faire, il faudrait se donner un bon élan, et on pourrait ainsi arriver en haut d'une côte pas trop péniblement. Mais des tournants mal placés empêchent d'adopter cette tactique, à moins qu'on ne soit pas trop gêné de prendre les dits tournant sur deux roues...

La pire côte, c'est bien sûr la dernière... Avec une transmission automatique, ce n'est absolument pas l'idéal... Même en 2e, ou bien on avance à pas de tortue en priant pour que l'auto ne s'arrête pas, ou bien le compte-tours se précipite vers les 6000 tours/minute sans vraiment nous faire avancer plus vite...

Pour les derniers mètres, j'avais le pied au plancher et j'avançais à à peine 20 mille/heure. Aucune figure de style dans la phrase précédente. La pente est abrupte, mais il y a aussi l'air raréfié qui handicape le moteur (et les freins aussi, qui refroidissent beaucoup moins bien).

Ça sentait comme qui dirait un peu le chauffé rendu en haut... Mais pas de boucane, alors pas besoin de s'affoler. Et il faisait plutôt frais, ce qui laisse une chance au métal de se refroidir...

À Hale Poaku, on est monté à cinq dans un camion du CFHT. On a eu le temps de s'installer, de préparer les exhibits, de boire quelques litres de liquide (chacun), et d'aller évacuer l'abondante production des reins perturbés par l'altitude.

Le groupe de 70 visiteurs a été divisé en 2, un groupe allant au CFHT et l'autre à l'Observatoire Keck, avec changement d'observatoire après environ 45 minutes. Au CFHT, quatre stations constituaient la visite: présentation générale de l'Observatoire et du télescope (parfait pour les petites nouvelles qui ne savent pas encore beaucoup de choses), bref survol des instruments disponibles (on laisse ça aux pros), accueil dans la salle de contrôle où travaillent le technicien et l'astronome la nuit, et un petit tour sur la passerelle, de laquelle on voit presque tous les autres dômes, le ciel bleu, le sol sombre, et les nuages plus bas.

On n'avait que très peu de temps pour débiter notre petit discours, entre 5 et 7 minutes seulement! Insuffisant, mais les gens ont tout de même apprécié de visiter le toit du monde et ses machines à voyager dans le temps et l'espace.

Malgré ma veste et mon manteau, j'étais surgelée. Le plancher de la salle télescope est refroidi pour que l'air ambiant, autour du télescope, soit à la même température que l'air extérieur en milieu de nuit, soit près du zéro (Celcius, pas absolu, mais ça fait froid quand même).

Personne n'a été incommodé par l'air raréfié, à ma connaissance... à part un mystérieux participant qui a été malade dans un des véhicules du CFHT et qui a discrètement (mais on ne sait pas trop comment) vomi sur un des instruments qui avait été entreposé à l'arrière du véhicule... Le dégât a été découvert quelques jours plus tard; les ingénieurs se sont demandés si c'était une critique envers le design de leur instrument... en tout cas, personne n'a aimé avoir à installer l'instrument au télescope...

Retour à Hale Poaku, où un bon dîner nous attendait. Retour à Waimea, crevé mais heureux que la conférence soit finalement terminée! Enfin, pas terminée pour tout le monde; il reste encore le livre de compte-rendu à éditer. Près de 1000 pages. On est trois. Je suis numéro deux. C'est bien connu, le numéro un ne fait pas grand chose et le numéro trois est là si jamais il faut prendre un vote... Dans 6 mois, je pourrai dire que la conférence est terminée, pas avant...



Vendredi 8 octobre

Un autre meeting. Pour CAFE, le CAssegrain Fibre Environment, un spaghetti de fibres optiques qui va relier le télescope à Gecko, le spectrographe qui réside un étage en dessous du télescope. Présentement, c'est un système de plusieurs miroirs (7 si je me souviens bien) qui dirige la lumière du télescope vers l'instrument. Ces miroirs doivent être précisément alignés à chaque mission, ce qui prend du temps et est plutôt platte à faire. Avoir un système de fibres permettra de gagner du temps. Voilà la raison d'être de CAFE, qui a été conçu et construit pas des Français. CAFE est déjà arrivé à l'observatoire, on n'attend plus que les deux responsables français. Dans 10 jours vont commencer l'installation, les tests et l'évaluation de CAFE. Les ingénieurs du CFHT vont vérifier si CAFE fonctionne bien, si la lumière passe bien à travers les fibres, si le moteur tourne bien, si l'électronique est assez robuste, et si le software convient à nos besoins. Pendant les 2 semaines de tests, je vais suivre, en tant qu'astronome, toutes les étapes de l'installation, puisque je dois comprendre comment le bidule fonctionne, m'assurer qu'il est adéquat pour faire de la bonne science, pouvoir répondre aux questions éventuelles des futurs observateurs et m'occuper de sa bonne santé générale pour les quelques années à venir. Ah oui, comme un des Français ne parle pas un mot d'anglais, je vais également servir de traductrice... Ça va être joyeux...



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© Nadine Manset
Dernière mise à jour: 14 octobre 1999.