Les aventures d'une Québecoise à Hawaii
Semaine du 5 septembre 1999




Dimanche 5 septembre

Quoi de plus idéal qu'un dimanche matin ensoleillé pour faire un peu de jardinage? Tout d'abord, je me suis promenée un peu partout pour m'apercevoir que (1) les plates-bandes sont dans un état plutôt pitoyable, avec des touffes d'herbe partout, des tas de roches et des restes desséchés de plantes qui ont été coupées il y a longtemps, et (2) y'a des crottes de chien partout sur mon gazon! Alors j'ai commencé par ramasser plus d'un kilo de "fertilisant canin naturel", du spécimen presque fossilisé jusqu'au moins ragoûtant plutôt encore chaud. Beuuuuark! Le jour où le gazon présentement rachitique et jauni sera assez long pour être tondu, je ne ferai pas revoler tous ces petits cadeaux jusque sur les îles voisines...

Ensuite, j'ai essayé de retourner un peu la terre des plates-bandes. Ma bêche est restée bien prise dans un tas de vieilles racines. Il y a du gravier partout, des roches, des racines juste sous la surface... que dois-je faire: arracher les racines, ôter toutes les roches, desherber et rajouter de la terre? Y aller avec un bulldozer serait plus rapide et pratique... Y a-t-il un jardinier qui me lit? je prendrais bien un conseil ou deux douzaines!

A défaut d'avoir le courage et l'inspiration pour essayer d'embellir les alentours, j'ai au moins tout bien arrosé.

Durant l'après-midi, j'avais vraiment hâte de monter mon bureau et finalement faire un peu de ménage dans mes paperasses. Ne voulant pas attendre l'aide de Renaud pour décharger de l'auto la grosse boîte avec tous les morceaux de mon bureau, je me suis débrouillée toute seule. Pas compliqué, il suffit d'ouvrir la boîte et de sortir les morceaux un par un... Je me suis donc amusée pendant près de 3 heures à visser, visser, visser (et dévisser quand je me trompais), et clouer, et coller, pour finalement obtenir un joli petit meuble. Une bonne chose de réglée!



Lundi 6 septembre, Labor Day

Pas travaillé, c'était congé. J'ai pu dormir un peu plus. Les coqs me dérangent de moins en moins le matin; on s'y habitue. Dans mes rêves, un coq apparaît peut-être vers les 5 heures du matin, et je l'étrangle probablement, mais c'est tout, je ne suis pas complètement réveillée par le concert matinal.



Mardi 7 septembre

Encore un meeting, le 2 month scheduling meeting. Un meeting pour planifier les meetings des 2 prochaines mois, quoi. Qui fait quoi quand où: selon le calendrier des observations, il faut prévoir quand les instruments doivent être installés, leur détecteur pompé et refroidi. On planifie des meetings entre les ingénieurs, entre les astronomes... On planifie les réparations et modifications aux instruments, les tests nécessaires avant une mission... On met sur l'horaire les séminaires scientifiques, les rencontres pour revenir sur ce qui s'est passé à l'observatoire durant les 2 dernières semaines... Un meeting pour créer d'autres meetings... Pour être sûr qu'on a au moins un meeting par jour. Il y en a qui ont peur qu'on oublie ce que c'est...



Mercredi 8 septembre

Un autre meeting sur la sécurité, pour savoir comment répondre à une urgence: feu, accident, urgence médicale, déversement chimique, mal de l'altitude, tremblement de terre, ouragan, violence, appel à la bombe.

Encore une fois, on a mis l'emphase sur la situation particulière du sommet, où on est isolé de tout secours et où il faut plutôt ne compter que sur soi-même... On est bien équipé, à l'observatoire, avec des extincteurs, des trousses d'urgence, ses systèmes de respiration autonomes; les employés qui montent souvent au sommet (employés de jour, techniciens, techniciens d'observation) sont formés pour répondre à toutes les urgences... Mais il ne suffit pas d'être équipé, il faut savoir que l'altitude et le manque d'oxygène modifient les procédures à suivre... Contrairement à ce qu'on doit faire "en bas" lors d'un feu, au sommet, on doit utiliser l'extincteur non pas à la base du feu, mais plutôt au sommet des flammes! Sinon, les gaz chauds montent facilement par dessus le jet de gaz carbonique de l'extincteur, et le résultat est que les flammes se propagent encore plus rapidement! Il y a eu un feu à l'observatoire Subaru, il y a plusieurs mois; si les gens avaient su ça, il y aurait beaucoup moins de dommages et peut-être pas 3 blessés... Et attention aussi avec l'extincteur... à cause de la pression atmosphérique plus basse, le jet va beaucoup plus loin et est plus puissant!

Si on échappe un produit chimique, celui-ci peut s'évaporer plus rapidement que d'habitude et se répandre plus facilement dans l'atmosphère (à cause de la pression plus basse). Certains produits, tels le glycol, deviennent très inflammables, et une toute petite décharge d'électricité statique peut tout faire sauter...

Lors des arrêts cardio-respiratoires, il est inutile de faire le bouche-à-bouche: le taux d'oxygène dans l'atmosphère est trop faible et on n'arrive pas à fournir assez de O2 au patient, il faut utiliser une pompe et si possible une bonbonne d'oxygène.

Si on se cogne, même légèrement, il faut mettre immédiatement de la glace pour empêcher l'enflure, sinon on se retrouve avec un ballon de football à la place du petit doigt...

Si on se coupe, ça prend plus de temps avant d'arrêter de saigner...

Si on est en état de choc, alors là, ça va très mal, parce que notre corps est déjà dans un état anormal (les électrolytes sont débalancés, la composition du sang en plasma change, etc.), il est alors encore plus difficile pour le corps de maintenir tous les systèmes en état de fonctionner.

S'il y a un feu, les personnes compétentes et présentes sur place doivent enfiler un système de respiration avec bonbonne pour secourir tout infortuné resté pris dans l'observatoire... Les pompiers sont loin, il faut soi-même porter secours...

Il y a de quoi faire peur, sans blague. On serait sur la Lune qu'on serait tout aussi mal pris en cas d'urgence... Après un tel séminaire, on a peur...

Le restant de la journée, j'ai commencé à travailler pour la préparation de la conférence ADASS (Astronomical Data Analysis Software and Systems). J'aide un autre astronome pour les séances de posters, c'est-à-dire des affiches que certains participants préparent pour présenter leurs travaux sur de nouveaux programmes d'analyse de données, l'utilisation de nouveaux languages informatiques, la création de bases de données et archives d'observations astronomiques, des logiciels qui gèrent les demandes d'observation et décident tout seul comment répartir le temps disponible entre les observateurs... Enfin bref, c'est une conférence pour des astronomes un peu nerds. Quoi que tous les astronomes le sont déjà un peu en partant...

Alors en quelques heures, il a fallu classer 170 posters selon 9 séances différentes, en se basant sur les titres et résumés des affiches. Pour certains, c'est facile; pour d'autre, il aurait fallu créer une séance spéciale "charabia", mais bon, on a fait notre possible.



Jeudi 9 septembre

Spécial du jour: Visite au Hilton du Waikoloa Village où se tiendra la conférence de l'ADASS. Il s'agissait pour nous de vérifier la grandeur et l'emplacement des salles mises à notre disposition, l'éclairage, l'état des lieux, le matériel supplémentaire requis et les services que pourront fournir les employés de l'hôtel.

Le dit hôtel n'est pas du tout situé dans le village de Waikoloa, mais plus loin, au bord de l'océan, côté sec (où sont les plus gros hôtels de toute façon). Il a coûté un demi MILLIARD de dollars (US!) et est souvent cité comme référence dans le domaine. Attendez, vous allez comprendre pourquoi...

Que je retrouve mon super-guide de la Grande Ile... Voila: "1241 chambres, 3 piscines, 3 hot tubs, service de valet gratis, club de santé, spa, salon de beauté, 8 terrains de tennis, terrains de racketball, 2 terrains de golf, service aux chambres 24 heures, 6 restos, des tonnes de boutiques, tram (oui! un petit train pour aller d'un édifice à l'autre!), location de bateaux"...

Complexe hôtelier qui s'étend sur 62 acres... le plus élaboré de l'île... 3 édifices reliés par tram et par petits bateaux qui voguent sur des canaux pittoresques que traversent de petits ponts... piscine avec chute d'eau... lagon avec dauphins (oui! des dauphins! on peut nager avec des dauphins!) ... perroquets un peu partout en liberté... parc immense avec des kilomètres de sentiers... assez de miroirs pour une éternité et demie de malheurs s'il y a un tremblement de terre... de grands vases chinois plus hauts que moi (et c'est pas parce que je suis petite, c'est les vases qui sont grands!)... 1400 employés qui circulent dans des tunnels pour arriver plus vite à destination...

Un grand terrain de jeux pour adultes... des activités pour les enfants et leurs parents... Sports, divertissement, magasinage... Féerie, fantaisie, rêves, Disneyworld...

Les touristes qu'on y voit n'ont pas l'air de gens qui paient entre 300$ et 500$ pour une chambre, 800$ à 4700$ pour une suite (la nuit!)... On voit se promener des T-shirts, shorts, gougounes (ou zkatounes, ou sandales de plage en bon Français), pas de maquillage sophistiqué, pas de vêtements griffés, de parfums à 500$ l'once ou de sacoche en peau de croco. Des gens ordinaires, en vacances, complètement relax. Hawaii, c'est la place pour ça!

Une fois passé le choc de tout ce luxe (et avoir laissé passé le tram, et avoir traversé un petit canal en empruntant un pont de marbre, et avoir dit Allo à Christian, le perroquet dans le hall d'entrée), il a fallu se mettre au boulot. Bon, plutôt fade à raconter après toute cette description de parc d'amusement: salle pas assez éclairée pour les séances de posters, on a donc besoin de lampes et on va faire exploser le budget, mais on va essayer d'économiser en utilisant moins de panneaux pour afficher les posters... Comment placer ces panneaux (on a pensé à un labyrinthe, mais c'était trop de travail à conceptualiser...)... où placer les chaises... J'aurais préféré aller tester les services de massage, la température de l'eau, ou le choix de mai-tai... (S-savez pas c'que c'est un -hips!- -pardon- ... mai-tai? Moi non plus, j'ai auc-hips!auc-aucune idée de c'qu'y mettent dedans, mais c'est vachement b-boooonnn -hips!-).



Vendredi 10 septembre

Un autre meeting! Pour vérifier ce qu'il y a à faire pour éditer le compte-rendu de la conférence ADASS, dont je suis l'éditrice numéro 2: préparer les instructions aux auteurs, estimer le nombre de pages (1000, rien de moins!), déterminer la date limite pour la réception de toutes les contributions, préparer les fichiers d'exemples, le site Web, le site FTP, les formulaires de copyright... Je n'y connais pas grand chose, mais je vais apprendre! Je suis là pour ça: apprendre de nouveaux trucs (balancer un ballon sur mon nez arrive en 371e position) et mettre mes connaissances au service du CFHT.



Samedi 11 septembre

Je pense que ça va devenir la corvée du samedi matin: la récolte hebdomadaire des crottes de chien. Je m'en passerais, croyez moi bien!

Encore une preuve que les services ici sont perdus dans leurs paperasses (ou alors, leurs employés passent trop de temps sous le soleil - il tape,le soleil d'Hawaii). J'ai un invité chez moi qui voulait savoir combien ma compagnie de service téléphonique longue distance (Sprint, pour ne pas la nommer) demande pour des appels en France. Alors l'employé de Sprint demande sur quel plan d'appel je suis pour pouvoir répondre à la question toute simple.

Voila-t-y pas que je ne suis pas dans leur base de données! Un bozo du nom de Fazio-machin est enregistré sous mon numéro de téléphone, mais Nadine Manset, Sprint connaît pas! Et pourtant, je me souviens que l'opérateur de Sprint, Don, avait tout pris en note et avait l'air de savoir où il s'en allait. Mais Sprint n'a rien! Aaaarhg! Qu'est-ce qu'ils ont encore foutu? C'était la seule compagnie à date qui n'avait pas encore fait d'erreur!

J'appelle un autre numéro chez Sprint. Une dame, Tess, me répond, me confirme que je n'existe pas, mais me promet de me créer une existence pour que Sprint puisse avoir l'honneur de me servir. D'accord. Pour vérifier à quelle compagnie de téléphone mes interurbains sont envoyés, elle me dit de faire 00. Je fais 00. Un gars de Sprint me répond; bon signe, mais ça ne veut pas nécessairement dire que Sprint est bel et bien ma compagnie d'interurbains. On me donne un autre numéro de téléphone à composer. Je tombe sur un message enregistré de Sprint (bon signe), message qui finit en queue de poisson avec un code de 3 ou 4 chiffres.

Moi qui ai fait quelques heures d'interurbains depuis la fin août, je crains un instant que la compagnie locale me demande maintenant 40 cents la minute pour ces appels. Alors j'appelle la compagnie locale, qui m'assure que c'est Sprint qui est ma compagnie d'interurbains, depuis la fin août! Arrhg! Mais pourquoi Sprint a pas mon nom??? Mais arrêtez d'aller à la plage, il tape fort le soleil!



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© Nadine Manset
Dernière mise à jour: 11 septembre 1999.